Jusqu'où l'entreprise doit-elle s'immiscer dans la vie d'un salarié ?
2,5 millions de salariés.
C’est le nombre de salariés en état de burn-out sévère après cette longue période de crise sanitaire. Il se trouve que lundi dernier a eu lieu la journée mondiale de la santé mentale. Malheureusement, ce sujet est devenu central dans la vie des entreprises tant le nombre de burn-out a augmenté ces dernières années. Dans ce cadre, se pose la question du rôle de l’employeur dans la vie privée, voire intimité, de ses salariés.
👀 Il se passe quelque chose
L’entreprise a franchi le Rubicon avec le sport. Les offres de sport en entreprise ont été démocratisées il y a quelques années avec ce postulat : un esprit sain dans un corps sain.
Par ailleurs, nous voyons apparaitre depuis peu des entreprises comme Moka.care et récemment Teale qui aident les entreprises à orchestrer une politique de bien-être mental.
Sur un autre sujet, nos amis de Virgil ont lancé une offre entreprise qui permet à un employeur d’aider un salarié à accéder à la propriété.
Concernant la parentalité, nous observons de plus en plus de mesure en faveur des parents : congés parentaux, offres de crèches, horaires aménagés etc. Je vous invite à lire l’article des Echos : Pigment, Batch ... ces start-up facilitent la vie des jeunes parents (déjà cité ici pour les early believers).
😬 L’entreprise est responsable
Nous passons 15% de notre vie en entreprise, donc oui, l’entreprise joue un rôle primordial dans notre développement. Elle est accélératrice de changements importants : c’est grâce à un certain salaire que nous pouvons accéder à la propriété, elle peut nous faire travailler aux quatre coins du monde, elle donne un statut social etc. Malheureusement, elle est aussi responsable de maux importants comme le burn-out.
C’est en raison de sa prédominance dans notre vie que l’entreprise doit jouer son rôle. L’Etat l’a même imposé en donnant l’obligation aux entreprises de payer une partie de la mutuelle de santé de leurs salariés.
🧐 Ce qui pose question
Il y a quelques semaines je citais dans la newsletter La quête de sens, nouveau challenge des RH, les formidables travaux d’Albert Moukheiber sur le rôle de l’entreprise dans la vie d’un salarié. Son avis est que ce n’est pas à l’entreprise d’insuffler du sens dans la vie des travailleurs ou de les rendre heureux.
Cela créé même l’effet inverse. En donnant autant d’avantages (sport, loisirs, soutien psychologique, congés illimités… ) au salarié, une pression pèse sur les épaules de la personne qui se dit qu’elle n’a pas le droit d’être malheureuse alors qu’elle est autant “gâtée”.
La difficulté réside dans cet état presque schizophrène d’une entreprise qui guérit les maux dont elle est la cause.
Cela fait échos aux injonctions paradoxales qu’Albert Moukheiber évoque dans le podcast Comportements et rapport au travail à la lumière des neurosciences (à la 37ème minute). Il observe que les startups mettent en avant des valeurs comme la coolitude (désolé pour l’expression de boomer), la liberté, la bienveillance alors qu’en réalité ce sont des environnements contraignants, compétitifs et challengeants. Or, ces injonctions font extrêmement mal à la santé psychique.
Enfin, la dérive peut aller jusqu’à la surveillance. En mettant en place ce type de politiques, il est normal que les entreprises analysent le retour sur investissement et donc accèdent à des données. Or, souhaitons-nous que l’entreprise analyse mon taux de bonheur ?
📚 Médias que je recommande
En tant que manager, il est très difficile de déceler la fragilité mentale d’un salarié. Dans cet article de Welcome to the Jungle, « Manager un salarié souffrant de trouble psychique m'a fait changer de regard », Audrey Barbier-Litvak, cofondatrice et CEO (et accessoirement coloc de bureau) de Offishall nous raconte comment elle a vécu et appris d’un burn-out dans sa précédente équipe.
Charles Gorintin, cofondateur d’Alan, raconte dans cet article Santé mentale : en parler pour mieux la soigner son burn-out lorsqu’il était data scientist chez Instagram à San Fransisco. Et pourtant, de l’extérieur, il avait tout pour être heureux.
Comme d’habitude, les Etats-Unis ont un avis assez tranché sur la question. Selon eux, l’entreprise a un rôle énorme à jouer sur la santé mentale des salariés. Cet article d’HBR, It’s a New Era for Mental Health at Work, dresse des chiffres inquiétants mais propose des solutions concrètes pour aider les entreprises à guérir ce mal du siècle. La phrase à retenir : Employers must move from seeing mental health as an individual challenge to a collective priority.
✌️️ Bonus track
Pour les amateurs de blagues, je vous recommande le compte de Ronan Planchon pour profiter de merveilles de ce genre :
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Léopold Adam
CEO @Reflect, the analytics tool for HR